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La Tribune du Poulpe ou 20 000 lieues dans les terres...
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15 mai 2008

Lectures...

Le vent de recommendations littéraires soufflant sur plusieurs blogs (merci les P'tites Dames !) m'ayant donné un sujet d'article, voici quelques unes de mes dernières lectures. Je réussis de nouveau à lire sans m'effondrer de sommeil - surtout le soir - ce qui me manquait bien depuis un moment d'où une légère boulimie tant que ça dure ! lol ! :

Le rabbin et le cardinal

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(série d'entretiens entre le rabbin Gilles Bernheim et le cardinal Philippe Barbarin)

Morceaux choisis :

Gilles Bernheim - Un autre homme m'a marqué, [...] c'est Michel de Certeau. Je l'ai entendu au début des années 1980 dans un colloque au cours duquel nous avons enseigné puis débattu. Il a donné ce soir-là une définition de la mystique qui m'a incité à poursuivre ailleurs notre échange. "Est mystique, disait-il, celui ou celle qui ne peut s'arrêter de marcher et qui, avec la certitude de ce qui lui manque, sait de chaque lieu et de chaque objet que ce n'est pas ça, qu'on ne peut résider ici ou se contenter de cela". [...] Ce que j'ai compris c'est qu'il invitait le chrétien à penser la question de la Résurrectiion dans un rapport au quotidien, dans une nécessité de laisser place à l'autre. Autrement dit, il a eu cette belle et profonde intuition, à savoir que la Résurrection n'est pas essentiellement ce moment inouï qui est raconté dans les Evangiles. Qu'elle est une chose présente, qu'elle se situe dans le quotidien de chacun, dans les moments les plus ténus, chaque fois que nous devons oublier notre personne pour laisser place à l'autre. Pour l'écouter, pour tenter de le comprendre, de l'aider à vivre. Dans la même perspective, il a eu cette intuition non moins belle que nous devons accepter de disparaître pour que d'autres puissent naître. Cheminement qui précède la mort physique , cheminement qui est aussi celle d'un parent ou d'un éducateur.

Gilles Bernheim - Me revient aussi une phrase du Zohar qui répond mieux que je ne saurais le faire à votre question ("vous arrive-t-il de parler de votre foi ?") : "l'écrit n'enseigne pas, il suggère, c'est l'âme qui comprend ou qui se souvient".

Philippe Barbarin - L'autre épisode auquel je pense (concernant des figures du christianisme qui sont pour lui des exemples en matière de foi et auxquelles il aime se référer) nous conduit au moment le plus cruel, celui de la Croix. Les condamnés qui sont aux côtés de Jésus vivent alors un dialogue ultime, et celui que nous appelons le "bon larron" se tourne finalement vers lui en disant : "Jésus souviens-toi de moi lorsque tu viendras dans ton royaume." Et voici la réponse que le Seigneur lui fait : "En vérité, je te le dis, aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis" (Luc 23, 39-43). Tandis que les spectateurs regardent trois condamnés à mort en leurs derniers instants, Jésus, dans la foi, voit les portes du paradis s'ouvrir pour accueillir cet homme que le monde rejette. Lui aussi, il tient ferme, il parle "comme s'il voyait l'Invisible", pour reprendre le mot de l'épître aux Hébreux.

En disant cela, je me rappelle les inoubliables passages de Saint François d'Assise sur la "joie parfaite". Vivre dans la Foi, c'est ne jamais laisser s'échapper la joie, même et surtout dans les moments de ténèbres. Cette joie, c'est la lumière du dernier jour qui vient éclairer les actes les plus simples et les plus ordinaires de notre vie quotidienne.

Gilles Bernheim - (à la question : quel regard portez-vous sur la notion de miséricorde, qui a eu dans le christianisme la pérennité que l'on sait ?) Dans la tradition rabbinique, il y a trois piliers sur lesquels s'appuie notre élévation vers Dieu : notre loyauté et notre fidélité à Dieu, nos efforts pour mettre en conformité nos valeurs et nos actes et la miséricorde divine. Le Talmud le comprend ainsi : "vous n'êtes pas appelés à terminer la tâche, et pourtant vous ne pouvez vous y soustraire". Ce que nous faisons avec loyauté n'est en dépit de nos efforts qu'une tâche inachevée. Le reste est accompli par Dieu dans sa miséricorde.

Philippe Barbarin - (à la question : que représente le messianisme dans votre religion et votre tradition ?) Il nous faut nous expliquer sur le rapport au temps. Un des points qui m'intrigue le plus et qui revient régulièrement dans les conversations que j'ai avec les juifs, c'est : "Que veut dire pour vous aujourd'hui "attendre le Messie". Lorsque le grand rabbin, le soir de Yom Kippour, à la fin de la dernière prière m'annonce rayonnant de bonheur que le Messie ne va pas tarder, je vous assure que je partage son espérance et sa joie ! [...] Pour moi, la venue du Messie peut avoir lieu dans cinquante ou cinquante mille ans, comme cet après-midi même. Ce qui compte, c'est de vivre en sorte que nous soyons prêts à accueillir le Messie dans le quart d'heure qui vient. C'est cela qui nous est demandé. Je vis donc chaque journée de façon simple, dans le travail, la prière, la détente ou les rendez-vous mais en sachant que chacune de ces journées est comme "frôlée" par le dernier jour. J'emprunte ce mot à John Henry Newman qui écrit : "dans les sacrements, le dernier jour frôle chacune de nos journées".

Gilles Bernheim - Et puis je réagis à l'expression "intelligence intérieure" que vous avez employée à propos de Jésus. C'est une expression utilisée par certains kabbalistes hassidiques pour suggérer que la signification d'une mitsva (n.l. : les 613 commandements ou "lois de vie" que les juifs pratiquants appliquent au quotidien) réside dans son pouvoir de sanctification et d'éducation. Avant d'accomplir une mitsva, nous prions : "Tu es béni..., toi qui nous a sanctifiés par tes mitsvot". La mitsva est dotée d'une intelligence intérieure parce qu'elle suggère et favorise une rencontre avec le divin, une manière de vivre un compagnonage avec Dieu, un éclair de sainteté dans les ténèbres du profane. Les mitsvot éduquent et sont dotées d'une intelligence intérieure qui protège l'homme, l'anoblit, le discipline et l'inspire dans sa découverte du divin. Dieu s'étant caché dans le monde, notre devoir est de faire surgir le divin hors de nos actes. Il a été observé que les deux dernières lettres du mot mitsva sont les mêmes que celle du Tétragramme, du Nom ineffable, et que les deux premières lettres correspondent aussi à celles du Tétragramme selon le procédé de l'alphabet réversible. Une mitsva est donc d'une certaine manière le Nom ineffable. Le nom de Dieu est à la fois caché et révélé par nos actes.

Philippe Barbarin - (sur la relation entre souffrance et perte de la foi) On rencontre parfois des gens qui ont vécu un deuil, comme une blessure dont ils ne se remettent pas. Brûlés, rongés par le suicide d'un enfant, par exemple, ils ont non seulement perdu la foi mais la capacité à se remettre debout. Je les comprends et je crois qu'il n'y a rien à leur dire. Pourtant, avec un geste, un signe, un regard, on peut essayer de leur montrer qu'ils sont dans notre prière et que nous supplions Dieu de se frayer un chemin par cet amour et cette grâce jusqu'à leur blessure. Il ne faut pas faire comme si nous étions capables de nous mettre à leur place. Mais en même temps, il ne faut pas fuir. La simple présence dans sa pauvreté et sa fraternité peut être un vrai réconfort pour celui qui est déchiré par la souffrance.

Quand au fond de la question "Que fait Dieu ? Où est Dieu dans un monde qui semble parfois totalement défiguré par la violence ?" ma foi me souffle qu'Il est là et qu'Il va répondre. Quand nous avançons sur un chemin qui nous détruit, quand tout s'effondre autour de nous, il est clair que nous n'arriverons pas à nous en sortir par nous-mêmes, que nous avons besoin de sa grâce, de son pardon. Les clés sont chez lui ; je ne vois pas quel médecin ou quel homme politique, quel philosophe ou quel psychologue pourrait les avoir dans sa poche.

Philippe Barbarin - (sur les relations avec l'Islam) Un jour qu'il me rendait visite à l'archevêché, Azzedine Gaci (le président du conseil régional du culte musulman) m'a dit "souvent les musulmans accusent les chrétiens d'incohérence dans leur foi, puisqu'ils prétendent croire en un seul Dieu, tout en affirmant qu'Il est composé de trois personnes différentes, le Père, le Fils et l'Esprit. Or moi, je vous connais, et j'imagine bien que votre foi n'est pas absurde. Pouvez-vous m'expliquer la Trinité ?". Je lui ai fait remarquer que ce complément d'objet direct allait mal avec le verbe expliquer, puis je me suis lancé comme j'ai pu disant que je croyais effectivement en un seul Dieu, créateur et tout-puissant. Cette puissance n'est pas jupitérienne, il ne s'agit pas d'un bloc de béton froid et inentamable. La Bible se résume pour nous dans ce mot du Nouveau Testament : "Dieu est amour" (1 Jean, 4,8). Or, l'amour est don. Et Dieu qui se donne, nous l'appelons Père, la source de toute divinité. Dieu qui se reçoit éternellement, c'est le Fils, une personne qui s'offre sans cesse au Père en retour, et l'échange d'amour entre les deux est tellement vivant que c'est la personne du Saint Esprit. Azzedine m'écoutait, puis il a conclu en disant tout simplement : "je me doutais bien que ça devait être trés beau".

Ce qui m'a plu : la façon dont le Cardinal Barbarin et le Rabbin Bernheim se répondent avec respect et amitié mais sans fards sur un certain nombre de sujets, même ceux sur lesquels il subsiste des désaccords ou des divergences entre nos deux religions. La façon dont celles-ci se répondent, s'enrichissent et se complètent, leur imbrication qui m'a rappelé à de nombreux endroits les paroles suivantes : "je ne suis pas venu abolir mais accomplir" ou l'attitude de Jésus envers les disciples d'Emmaüs : "et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les écritures ce qui le concernait".

L'élégance du Hérisson

de Muriel Barbery

H_risson

Qu'on ne présente plus vu le nombre de blogs qui en ont déjà parlé ! lol !

Ce qui m'a plu : après des débuts que j'ai trouvés un peu pénibles par leur côté poussif et un peu verbeux, je dois dire que je me suis laissée totalement emporter par l'histoire...J'ai beaucoup aimé la montée en puissance subtile des sentiments qui lient au fur et à mesure les différents protagonistes, la pudeur des relations, la poésie de certaines descriptions surtout à partir de l'arrivée de Kakuro, (ces deux points n'étant pas sans m'évoquer "une odeur de gingembre" d'Oswald Wynt que j'avais également beaucoup aimé), la façon dont finalement la recherche sincère du Bien, du Beau, du Vrai mène dans chacune de ces vies à une sorte de résurrection ou du moins à une vraie naissance à soi-même, à un surgissement de la vie dans ce qu'elle a de plus simple et donc de plus réel et complet. Le passage qui m'a le plus émue : la visite de Jean Arthens à Renée après sa "résurrection" à lui (là le terme n'est pas volé vu son état précédent) et l'extraordinaire émotion qui se dégage du dialogue, de la scène...ou comment une petite chose insignifiante (la contemplation d'un petit camélia), une réponse donnée avec simplicité au bon moment en faisant leur chemin dans un coeur peuvent littéralement faire des miracles. Boulversant.

Je reviens te chercher

de Guillaume Musso

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Synopsis : « Dépêchez-vous de vivre, dépêchez-vous d’aimer. Nous croyons toujours avoir le temps, mais ce n’est pas vrai. Un jour nous prenons conscience que nous avons franchi le point de non-retour, ce moment où l’on ne peut plus revenir en arrière. Ce moment où l’on se rend compte qu’on a laissé passer sa chance…»
Ethan, Céline, Jessie.
Un homme, une femme, une enfant.
Trois personnages au bord du gouffre.
Qui vont se croiser, se détruire et s’aimer.
Ont-ils déjà franchi le "point de non-retour" ? Il leur reste 24 heures pour tout changer.
Mais l’amour peut-il vaincre la mort ? Un mystère intense, un amour en danger, un dénouement stupéfiant

Mon avis : OK, OK rien qu'à lire le sinopsis, j'aurais dû me méfier ! LOL ! Cela dit, j'en avais entendu une critique plutôt positive sur je-ne-sais-quelle radio qui m'avait plutôt donné envie de le lire. Tâche accomplie en exactement 3 soirées donc se lit comme on regarde le film de la 6 vers les 13 H 30 une après-midi de loose ou de flemme consommée à la maison, sans problème et surtout sans cerveau...Le bouquin de midinette parfait ou celui sur lequel on peut laisser sans scrupule des traces de crème solaire bien grasse pendant les vacances, voire de beignet à la framboise. L'écriture est facile, le scènario (soit disant mystérieux et intense) cousu de fil blanc et le dénouement pas si stupéfiant si vous avez vu "Ghost" ! Le problème de Guillaume Musso est que, comme il le dit lui-même dans une note à la fin du livre, il a repris certaines citations ou passages qu'il avait aimés à son compte dans le bouquin...Mouais, s'il n'y avait que ça encore on ne lui en voudrait pas mais là ça sent la repiquette en vrac de scènes de "déjaviouuuu" (comme disent nos amis américains) dans "Urgences", "Ghost" donc, "un jour sans fin" avec Bill Murray + quelques ersatz de "une bouteille à la mer" ou dans un style plus sérieux "smoke" ou "lost in translation"...

Ce que j'ai aimé : vous l'aurez compris, pas grand-chose (et là je ne vous ai surtout pas parlé de la couv. calamito-ringardesque des éditions XO) si ce n'est ces deux citations en exergue des chapitres 30 et 35 :

- Le verbe aimer est difficile à conjuguer : son passé n'est pas simple, son présent n'est qu'indicatif, et son futur est toujours conditionnel (Jean Cocteau)

- Donnez-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer les choses que je peux et la sagesse d'en connaître la différence (prière de la sérénité)

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Commentaires
E
quel travail dame Poulpy que tous ces commentaires, je vais garder tout cela précieusement afin de choisir mes prochaines lectures ... ici depuis trois jours il fait plutôt chaud donc je suis un peu au ralenti .... et le pire reste à venir.<br /> Estelle
J
Tout pareil pour le "Hérisson" !!! j'oublie le Musso, j'attendais, comme prévu, ton comm...Mais alors que vais-je lire maintenant ????<br /> J'essaie de reprendre le dernier Gavalda, mais j'ai beaucoup de mal !!!!!
3
Musso, ta critique ne m'étonne pas...<br /> Barbery, ta critique aurait pu être la mienne<br /> "le rabin et le cardinal" ta critique me plait, je note...<br /> enfin, tes citations me touchent.....
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